dimanche 12 avril 2015





Aujourd'hui je suis monté sur la plus haute des buttes, sur la pointe des pieds et sur le plus avancé des rochers, il n' y qu'elle et moi, et l'horizon que je scrute.
C'était hier papy Hibou, ton premier battement d'aile, tu as de la chance le ciel est clair.

On les appelle papy Hibou et mamie Chouette, parce que depuis toujours dans l'armoire du salon, écartée avec soin du mur de quelques centimètres pour pouvoir y faire facilement la poussière, dans cette armoire aux portes vitrées et toujours impeccablement cirée, repose une collection entière de ces oiseaux aux yeux cernés, comme à l'heure de la sieste où sur la branche d'un canapé moelleux, Jean et Monique dormaient becs en l'air, avec le même sourire que Bécassine, la poupée de chiffon, affalée dans une amusante position à l'étage supérieure, de cette grande boîte aux souvenirs meilleurs.

L'oiseau nocturne s'est finalement échappé par la plus discrète des urnes, pour déployer ses longues ailes grises et blanches sur mes yeux tristes et ma bouche qui sourit à la chance de t'avoir, sage compagnon de voyage.





Les ruelles étroites sont étranglées par d’effilées façades aux pierres craquelées qui couronnent le ciel d'une dentelle ombragée. Sur elle dégouline le linge fleuri d'un mois printanier.
Au milieu, le torrent de passants résonne d'un bruit vide de sens, auquel les habitants tentent désespérément  d'échapper sans grande chance.
Les touristes courent, chantent, dansent, crient et inondent un Barcelone trop petit pour contenir cette vessie qui déborde et cette horde qui ne se retient plus de son éprouvant superflu.


Alors les quartiers s'endorment, sur les bancs et les murets aux rares endroits inoccupés, des vieux se laissent bercer par un silence devenu précieux.
Dans leur regard un peu de veine, d'avoir avec eux un ciel et une mer d'un bleu harmonieux, dans leur regard un peu de haine d'avoir avec eux pêle-mêle touristes et jeunesse, qui creusent sans modération pour recouvrir la ville d'un sable d'attraction.



 



 



 Gare de Barcelone-França
 

 
Détail Cathédrale Sainte Croix


 Place royale










 

Je me suis reposé avec elle, à l'ombre nocturne d'un palmier doré par les feux de la ville.
Quelque chose navigue dans l'air refroidi par la nuit, et vient déposer sur ses cheveux une lueur orangée relevée d'un sourire que les flots noirs emportent parfois, quand les mots sont trop lourds pour être portés aux coins de ses lèvres timides.
Elle parle pourtant, comme la mer agitée par cette nuit de pleine lune, qui vient murmurer à nos oreilles une chanson à la fois triste et joyeuse, mais jamais monotone.
J'espère secrètement, emporté par la houle, dans une valse apaisée, revenir caresser l'extrémité de ses pieds nus, venus un soir d'été se rafraîchir de nos simples souvenirs.


 
 

On m'ouvre le grand volet métallique puis la grille du même alliage, comme certains auraient mis de dangereux animaux en cage.
Tout est ici pourtant bien sage, sauf peut être cette musique qui crachote en sortant des enceintes jaunies d'un vieil ordinateur cubique.
Ça sent la térébenthine, il est pourtant seul à peindre à l'huile, ces tableaux inspirent la mort mais surtout l'ennui, ces sujets sont froids, figés et ternis.
 Les effluves de résine me poussent à poursuivre, et derrière un rideau noir entr'ouvert, peintures, pinceaux et bocaux sont à terre pour libérer la table de masage, qui soudainement se transforme en salon de tatouage. Marine pistolet en main fait sonner le bourdon de l'aiguille, et vient faire froncer les sourcils, bière et cigarette à portée de main, de l'ami qui maintenant sourit moins.